Classement Ligue 1 - Retrouver de la dignité

A l'heure où la situation sanitaire est préoccupante, et même si les enjeux financiers sont importants, le spectacle donné par le monde du football montre une absence totale de dignité qui met tout le monde mal à l'aise. Entre Jean-Michel Aulas qui propose une session de rattrapage pour sauver sa saison, Gérard Lopes qui propose de lire le classement final dans les entrailles de poisson, l'Equipe qui propose un classement randomisé en double aveugle, ou certains présidents de clubs qui se disputent comme des chiffonniers, les acteurs du football montrent une bien triste image et une perte totale de sang-froid, à l'heure où les valeurs de solidarité devraient être mises en avant.

Tout le monde espère que l'on ne revivra pas une telle crise avant longtemps, mais rien ne dit qu'une telle situation ne se reproduira pas dans le futur. Si les dirigeants du football font preuve de raison, ils choisiront une solution qui privilégie la pérennité avant tout et qui s'appliquera non seulement à la saison actuelle, mais également à toute situation similaire du futur.

Or, l'arrêt du championnat, qu'il soit à la 27ème ou à la 28ème journée, n'est pas non plus une solution pérenne car la solution d'arrêter le championnat à la dernière journée jouée va faire jurisprudence dans le futur. Or, que se passera-t-il si dans le futur le championnat est arrêté à la 8ème journée, ou à la 15ème journée ? Si on prend pour exemple la saison actuelle, nous aurions à la 8ème journée Paris, Angers et Nantes en LDC, Lille et Marseille en Europa, et Saint-Etienne et Dijon relégués. Même si aucun de ces clubs n'est déméritant, ce classement ne semble pas à première vue très conforme aux performances sportives théoriques des équipes en lice et pourrait entrainer de nombreux recours.

Que dit l'UEFA ?
Dans l'article 4.01 du règlement de la Ligue des Champions, l'UEFA déclare : "Pour pouvoir participer à la compétition, les clubs doivent s'être qualifiés pour la compétition sur la base de leurs résultats sportifs". La seule contrainte est donc que la qualification doit être obtenue sur le terrain, mais il n'y a pas de contrainte concernant la ou les saisons retenues pour déterminer les performances sportives, d'où la proposition de Jean-Michel Aulas de déclarer la saison blanche.

L'UEFA mesure d'ailleurs elle-même la performance sportive à l'aide d'un classement établi sur 5 ans, dans lequel des points et des bonus sont attribués en foncion du mérite. Il est intéressant de noter que dans ce classement, le nombre de points attribués pour une victoire en Ligue des Champions est le même, quelque soit l'adversaire rencontré. Que l'on ait battu 5 fois de suite le Réal Madrid ou que l'on batte 5 fois de suite le FC Tartignolles, on a exactement la même performance sportive. L'UEFA accorde donc le même respect à tous les clubs, y compris les plus modestes sans qui la compétition ne pourrait pas exister ou n'aurait pas le même charme. Par contre, il y a des points de bonus différents attribués selon que l'on participe à la Ligue des Champions ou à la Ligue Europa, les niveaux de ces deux compétitions ne pouvant pas être considéré comme équivalents.

Et pour la Ligue 1 et la Ligue 2 ?
Les instances dirigeantes du football français devraient s'inspirer des règlements de l'UEFA pour mettre en place des règles qui montrent le même respect envers tous les clubs, et s'épargner les discussions de boutiquiers sur le fait que l'on ait rencontré tel club et pas nos concurrents. Tous les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 participent au spectacle et doivent recevoir le même respect.

Une solution pérenne et conforme aux valeurs de l'UEFA pourrait donc être de gérer deux classements. Le classement réel de la saison qui permettra d'attribuer le titre de champion de Ligue 1 ou de Ligue 2, et un classement des performances sportives qui permetrait de définir les montées, les descentes et les places européennnes.

Les règlements de la LFP prévoyant que les matches doivent se dérouler sur base d'aller-retour, il suffirait donc de prendre pour chaque club les 19 derniers résultats à domicile et les 19 derniers résultats à l'extérieur, que ceux-ci se soient déroulés sur la saison en cours ou la saison précédente. Les résultats de la saison en cours se verraient attribuer un coefficient de pondération de 1, ceux de la saison précédente d'un coefficient de 0,75 et ceux obtenus dans la Ligue inférieure d'un coefficient de 0,5. Des formules similaires de pondération sont d'ailleurs déjà utilisées par la LFP notamment pour attribuer les montants de droits TV, donc ce ne serait pas quelque chose de vraiment nouveau.

Concrètement, cela donne quoi ?
Dans le cas où une saison se terminerait normalement à la 38ème journée, le classement réel et le classement des performances sportives seraient strictement égaux, ce qui correspondrait à une saison normale telle qu'on les connait dans la plupart des championnats Européens.

Dans le cas où une saison se terminerait par exemple à la 8ème journée, on prendrait les 8 journées jouéees avec un coefficient de 1 auxquelles on ajouterait les dernières journées de la saison précédente avec un coefficient de 0,75 ou 0,5, de façon à obtenir un nombre total de 19 journées à domicile et de 19 journées à l'extérieur.

Dans la situation actuelle, on prendrait la situation à la 28ème journée avec un coefficient de 1, et on prendrait les dernières journées de la saison précédentes avec un coefficient de 0,75 jusqu'à ce que chaque club soit jugé sur 19 matches à domicile et 19 matches à l'extérieur. Pour Paris et Strasbourg, il faudrait prendre un match de plus sur la saison dernière que pour les autres clubs. Pour Metz et Brest qui étaient en Ligue 2 la saison dernière, un coefficient de 0,5 serait appliqué à leurs derniers résultats.

La simulation de cette formule sur la saison actuelle de Ligue 1 donnerait donc (*):

Paris 80,75
Marseille 66,50
Lille 64,75
Rennes 59,00
Lyon 56,50
Montpellier 52,75
Nice 50,00
Reims 48,50
Nantes 47,50
Saint-Etienne 47,25
Angers 47,25
Strasbourg 47,00
Metz 45,50
Brest 43,50
Bordeaux 42,25
Dijon 39,75
Nimes 37,50
Amiens 30,50
Toulouse 19,75​

(*) N'ayant pas les outils nécessaires, ce classement a été établi à la main et peut comporter des erreurs minimes de calculs, notamment liées au nombre de matches joués à domicile ou à l'extérieur selon les équipes. Ceci dit, étant donné les écarts entre les clubs, une éventuelle erreur de calcul ne devrait pas avoir d'influence sur le classement. Veuillez m'excuser en cas d'imprécision.

On est les Champions, on est les champions, on est, on est...
Même s'il pourrait sembler logique que le titre soit attribué cette année à Paris en raison de leur avance sur les poursuivants, rien ne dit que dans le futur il n'y aurait pas qu'un seul point d'écart entre le 1er et le 2ème.

Dans le cadre de la recherche d'une solution pérenne, et au vu des statistiques des précédentes saisons, il semble raisonnable d'attribuer le titre si l'écart entre le 1er et le 2ème est supérieur à 33% du nombre de points restant à jouer. Pour cette saison, Paris peut encore prendre 33 points. Si on prend le tiers de ces 33 points, cela fait 11 points ce qui est inférieur à l'écart de 12 points qui les sépare du second. Paris pourrait donc être sacré Champion cette année, même si la solution de ne pas attribuer de titre serait également recevable. En cette période difficile, et avec l'interdiction de rassemblements, il serait de toutes les façons difficile de fêter un titre, quelqu'il soit.

Les avantages de cette formule
Ils sont multiples et le premier d'entre eux est qu'elle est conforme aux règlements et à l'esprit demandé par l'UEFA qui privilégie la performance sportive. Elle présente aussi l'avantage d'être une solution pérenne qui pourrait faire face à toutes les situations imaginables dans le futur, et pourrait s'appliquer à tous les championnats, quelque soit la date d'arrêt d'un championnat.Elle n'a enfin aucune incidence dans le cas où la saison irait à son terme.

En outre, le fait de prendre en compte la fin de saison dernière permettrait de limiter le nombre de clubs qui en raison de leur classement finissent leurs saisons en roue libre et faussent un peu le classement final. Même si on peut comprendre que les joueurs qui n'ont plus d'enjeu cherchent à prendre du plaisir avant de prendre des points, tous les supporters de tous les clubs et tous les observateurs ont au moins un jour pesté devant le manque d'implication affiché durant certains matches de fin de saison. Cette formule serait donc bénéfique au championnat, même en l'absence de crise sanitaire.

Enfin, et même si cela n'est pas le plus important, cela donnerait également de la matière aux médias qui pourraient faire des articles ou des rubriques du type "Et si la Ligue 1 s'arrêtait demain ?". Cela soulèverait très certainement des curiosités et des analyses intéressantes propices au débat.

Alors, tous ceux qui mettent en avant une solution trouvent que leur solution est la plus juste. Et, même si dans le cas présent il est fort possible que les supporters rennais aient envie de me jeter des cailloux, et que les supporters lillois aient envie d'empêcher les rennais de me jeter des cailloux, je considère pour ma part que cette approche est juste, même si je ne me permettrais pas d'affirmer qu'elle est plus juste qu'une autre. Mon objectif est la recherche de pérennité avant tout.

La seule chose qui est certaine, c'est qu'une approche similaire à celle-ci montrerait que les clubs se préoccupent plus de mettre en place des solutions pérennes bénéfiques à la Ligue 1 plutôt que de faire des calculs de boutiquiers sur une situation ponctuelle, calculs qui auraient été différents pour chacun des clubs si la saison s'était arrêtée plus tôt ou plus tard.

Bon déconfinement à tous.