Aïoooli peuple indolent que la Coupe du Monde n’arrive pas à empêcher de languir de l’OM...
J’ai été particulièrement interpelé par le film publicitaire livré par Puma en point d’orgue du lancement par la marque de son partenariat avec l’Olympique de Marseille. S’il a fasciné jeunes et moins jeunes par sa qualité technique, la dynamique et la fluidité de son montage, sa puissance dramatique dans le temps record d’une minute, j’ai néanmoins voulu analyser le malaise qu’il a fait naître en moi sous l’impact de ses images et de ses mots.
J’ai eu le souci de contenir et raccourcir le discours de façon à ne pas lasser. L’image aura toujours l’avantage de la vitesse et de la compression des contenus par rapport à l’écrit, raison pour laquelle les lecteurs de livres manqueront dans les décades qui viennent, ce dont les manipulateurs de toutes sortes, tous les extrêmistes religieux prosélytes, les dictateurs, et les puissances du grand capitalisme, qui en maîtrisent parfaitement l’exercice, sauront profiter sans vergogne. Je vais essayer de vous démontrer qu’il y a de quoi s’interroger à partir de ce film sur la vision par Puma, et l’OM, vis à vis de la ville de Marseille, de ses habitants, du public cosmopolite, et d’une grande diversité sociologique, du club mythique né de son ventre il y a presque 120 ans. Il s’agit d’un film violent, agressif, choquant, voire dangereux et je voudrais vous expliquer pourquoi en m’efforçant de ne pas vous en faire un commentaire sémiologique plan par plan qui serait un peu trop scolaire, ou universitaire (j’ai fait des études de cinéma à la fac dans ma jeunesse), pour entrer le plus vite possible dans l’analyse et les conclusions qu’elle entraîne, car en amont je ne me suis pas dispensé de ce travail en me focalisant sur chaque image.
Je vous invite donc à me suivre, c’est parti.
DES IMAGES QUI SUGGÈRENT LA VIOLENCE :
Dès le 2e plan on distingue à l’avant d’un navire une silhouette massive qui brandit ce qui pourrait être un glaive ou une massue, on s’apercevra au 33e plan qu’il s’agit en fait d’une torche. Les visages des personnages sont ornés de peintures tribales de guerre, l’un d’eux, un blond peroxydé arbore même sur son front des implants pointus qui lui donnent un air redoutable. Un plan sur un autre personnage portant le masque de Dark Vador fait référence au combat du bien et du mal, du clair et de l’obscur. L’homme ventripotent qui frappe un tambour dès le 3e plan a le cou et la mâchoire pris dans une sorte de minerve-muselière proche de l’esprit sado-masochiste, on pense aussi aux personnages de Madmax ou de Waterworld, à l’esthétique gothique, bref, on dépasse ainsi largement la figure du barbare.
La dynamique du montage alterné entre les navires qui s’approchent et la partie de football des jeunes de la cité, mais aussi Rami dans son vestiaire, va dans le sens du combat et de l’affrontement, elle précipite ces mondes les uns contre les autres pour en opérer la fusion. Le seul moment où on s’arrête dans la partie de foot des jeunes c’est pour se défier physiquement dans un moment de litige ou de conflit, on coupe intelligemment avant la bagarre. C’est la force de ce film, la violence est suggérée par l’image mais la violence n’est pas montrée. On en laisse le soin au texte lu en voix off.
UN TEXTE AU VOCABULAIRE GUERRIER :
Le texte est sans ambiguïté et renforce la violence suggérée dans les images. Il la prolonge, il l’amplifie. Les mots sont lâchés sur les images comme des bombes. « Conquérants », « peur », « prêts à mourir », « armée », « vaincre », « ennemi », « bataille », « bêtes sauvages », « feu », « régnons », « invasion ». Il s’agit d’un vocabulaire assassin et mortifère que ne renierait pas les chefs de guerre les plus hystériques. Aucun des mots du texte ne peut prêter à la moindre interprétation positive, ouverte, plaisante, en dehors de « horizon », mais celui-ci ne peut-être envisagé ici que dans une version noire ou sanglante.
C’EST MARSEILLE QU’ON ATTAQUE :
Petit rappel théorique. Vers le milieu des années 60, François Truffaut avait réalisé un entretien fameux avec le grand Alfred Hitchcock. Cela avait débouché sur un livre resté célèbre dans lequel le Maître livrait toutes les clés de son cinéma. Un des éléments qui retint le plus l’attention fût le concept de Mac Guffin. C’est quoi un Mac Guffin ? Les interprétations divergent, mais en gros c’est ce qui sert de prétexte au démarrage d’une histoire mais qu’on finit par perdre de vue quand on est capté par elle. Il y a dans ce film de Puma un beau Mac Guffin. Pourquoi ? Parce qu’on en vient à oublier que ce film illustre une attaque de la ville, une attaque qui préfigure son invasion. Si on veut pitcher au plus court cette publicité c’est le meilleur résumé que l’on puisse trouver car les images, le montage, le texte vont entretenir une ambiguïté et nous laisser penser que le message est autre. Or, pas du tout. C’est une attaque, pas du tout pacifique, par Puma et l’OM, de la ville de Marseille. Cette attaque par la mer des rivages de notre ville se fait avec des navires estampillés Puma, et l’un des navires porte en étendard le logo de l’Olympique de Marseille. Ce sont la marque et le club qui recouvrent de leur autorité cette escadre barbare qui prétend donc envahir et conquérir la ville de Marseille. C’est très explicite sur l’écran d’un radar qui montre les navires en approche. Un comble. L’un des derniers plans pris par-dessus la statue de la Bonne Mère montre les griffures laissés sur la mer par les sillons des navires. Marseille est lacérée. On est au troisième degré dites vous ? Pas du tout ! Regardez comment on traite Marseille.
MARSEILLE CASTRÉE :
L’image et le texte frappent très vite le spectateur amoureux et connaisseur de Marseille.
Il y a d’abord la lumière du film qui ne correspond en rien à celle qui compose le plus sa réalité. Les navires apparaissent dans une aube blafarde, « livide » aurait dit Fellini, le fond est laiteux, voire gazeux, la mer et le ciel sont gris, on est dans des dégradés de gris-bleu, c’est assez métallique et ferait presque entendre le fracas des armes. Enlever son soleil et sa véritable lumière à Marseille n’est rien de moins que lui enlever sa force, lui retirer ce qu’elle a de plus précieux, son emblème, sa brillance, c’est la refroidir, c’est la castrer pour mieux l’assujettir.
D’autre part, dire dans une sorte d’ambiguïté car on ne sait pas alors de quelle ville on parle : « Notre ville a été construite par des conquérants venus de la mer » est une véritable ineptie si l’on considère qu’on parle ici de Marseille. Ce sont les ségobriges qui peuplaient alors le rivage du Lacydon qui ont commercé avec les marins venus de Phocée. C’est dans l’accroissement et le développement de ce commerce pacifique, raisonné, et gagnant pour toutes les parties qu’est né la ville. Le tout est mythifié par l’image légendaire des noces de Gyptis et Protis, mais il n’y eut jamais de guerre, ni de combat, ni de conquête. Tous les migrants qui ont échoué sur son rivage, par la mer ou par la terre, ont trouvé sans tuer menacer ni tuer personne un espace pour y recommencer leur vie. Quelle idiotie !
LES MARSEILLAIS ÉVACUÉS :
Marseille se voit non seulement retirer sa lumière, déformer l’histoire autour de son origine, elle se voit aussi vidée de ses habitants. On ne retrouve pas dans ce film le foisonnement, le bordel, le cosmopolitisme qui fait la personnalité de la ville, cette cohabitation particulière de la misère et de la richesse. À quelques exceptions près, une fille qui jongle, un jeune qui fait des roues arrière, jusqu’à 5 ou 6 jeunes dans un même plan qui disputent une partie de foot, on ne voit pas sa population. On voit les immeubles mais la vie les a désertés. Il y a bien un plan aérien où l’on voit des gens s’entraîner sur un terrain de foot, mais la caméra est placée très haute à la verticale et en fait des insectes (sur le point d’être écrasés). Même les plans sur le peuple des virages tendent à indifférencier, nier les individus. Il y a dans la conception du film la volonté d’évacuer les habitants de la ville. C’est assez bizarre quand on sait la place qu’occupe l’OM dans un grand nombre des familles qui peuplent Marseille et auxquelles le club doit beaucoup.
MARSEILLE IMPURE ? :
Certains personnages aux figures patibulaires des bateaux sont équipés de masques parfois proches des masques à oxygène. On peut se poser la question de l’intention des concepteurs. Que s’agit-il de signifier ? Qu’on arrive dans un endroit où l’air serait différent et qu’il vaut mieux ne pas le respirer ? Il serait impur, dangereux, impropre à la consommation ? Ces images laissent une sale impression, le sentiment que Puma a considéré Marseille comme un territoire tout à fait particulier dans lequel elle n’entrevoit, ou ne veut voir pas grand chose de positif. Gênant !
UN MONDE MUET :
Cela ne vous a pas frappé à première vue mais la seule personne qui parle en dehors de la voix off dans ce film est Maradona. Les autres personnages sont muets. On entend bien les jeunes sur le point de se chauffer pendant la partie de foot mais le son de leur voix est plus proche du borborygme que du discours. C’est voulu. Ce qu’on peut sous-entendre est le désir sans doute inconscient de la marque de nous dire : taisez-vous ! Ou bien, on va vous faire taire. Ou bien, on ne parlera pas avec vous, ou alors, on ne vous répondra pas. On reste dans cette idée que l’autre ne compte pas. Cela ne vous gêne pas ? Moi si ! De la même manière aucun personnage n’a le moindre contact tactile avec un autre, cela est tout à fait à rebours d’une ville où on aime parler et où on se claque la bise dès lors qu’on se connaît un peu.
LE CIBLAGE DES PLUS FRAGILES :
Le film est très nettement orienté vers l’esthétique de la cité, on ne parle pas de banlieue à Marseille. Il est vraisemblable néanmoins que les banlieusards des autres villes peuvent se reconnaître dans les éléments glissés dans le film avec barres ou tours d’immeubles, murs tagués, un motard qui fait des roues arrière dans la coursive externe d’un immeuble, ou un peu plus loin sur un terrain vague. On est pas loin de l’imagerie de certains clips de rap (des jeunes sur une mobylette fendent une foule avec un fumigène). Puma a focalisé sur le public des cités, du rap (Alonzo) et par extension s’adresse à tous les enfants et ado de la petite bourgeoisie qui s’identifient volontiers à leurs camarades moins fortunés. Puma travaille sur la partie la plus fragile de la population, la plus malléable, ce qui se confirme avec les invitations controversés lancées aux jeunes influenceurs pour la soirée de lancement.
EXIT LES VERTUS DU SPORT :
Aucune des vertus du sport n’est mise en avant dans ce film. On y voit deux personnages jongler, mais il s’agit plus d’un exercice technique d’adresse que de sport proprement dit, et l’un des deux le fait dans l’espace réduit d’un petit balcon. On ne promeut pas le dépassement de soi, le partage, le développement du corps, la transpiration, l’effort, la joie de la réussite, le fair-play. Rien de tout çà. Les yamakasi sont uniquement pour signifier prendre le territoire. Le seul enjeu est ici la conquête par la guerre, ce qui pose question quand on est une marque de sport, au point qu’on peut affirmer que l’un des sujets de fonds est aussi la guerre de territoire avec Adidas et les autres grandes marques vers lesquelles un message de provocation est envoyé aussi.
MARADONA, ALLÉGORIE DE L’ILLUSION :
La présence de Diego Amando Maradona se comprend tout à fait. Il est une icône absolu du football, l’ultime représentant du rebelle éternel, du voyou aussi, et c’est raccord avec l’ensemble du film, c’est une égérie de la marque. Mais Maradona est aussi une illusion pour Marseille, un joueur qui a failli porter le maillot olympien et dont chaque supporter conserve au fond de lui le regret que la maffia napolitaine ait su le contraindre à rester à Naples. Le souvenir qu’a laissé le joueur sur tous les terrains du monde domine largement les frasques régulières dont il jalonne désormais son parcours. Mais il n’est pas le seul joueur de classe mondiale du film de Puma. Au 9e plan on voit Rami (non, c’est pas lui) assis dans le vestiaire, entouré de silhouettes de partenaires, il a une bouteille d’eau minérale dans la main droite, référence évidente à Zidane avec sa pub pour Volvic il y a une vingtaine d’années. Zidane, une autre illusion, pour nous, puisque né à Marseille et n’ayant jamais porté le maillot de l’Olympique, un club dont il est supporter. Venu de l’eau pour mettre le feu, avec ces deux joueurs c’est plutôt du vent que nous aurons ressenti.
L’AMBITION DE TOUTE PUISSANCE :
Le dernier plan du film est saisissant. Il a l’air tout à fait anodin, presque mignon, mais il en dit long sur les intentions de ceux qui ont conçu le film, des têtes pensantes de la marque, ceux qui sont aux commandes opérationnelles du partenariat entre Puma et l’OM. Que voit-on sur ce dernier plan ? Le slogan « venu de l’eau pour mettre le feu » vient de s’inscrire sur fond de public du Vélodrome qui a entonné le « Aux Armes », c’est ensuite une petite main qui passe sur l’écran pour s’immobiliser au milieu. Une petite main un peu boudinée qui pourrait faire songer à celle d’un enfant, mais on se demande alors pourquoi un enfant puisqu’il n’y en a aucun dans le film, c’est ailleurs qu’il faut chercher. C’est le moment de se souvenir des mots du texte de la voix off : « peur », « armée », « ennemi », « régnons », regardez cette petite main boudinée, vous l’avez déjà vue plusieurs fois aux actualités. Elle est mignonne mais elle est sanguinaire. Elle exerce sur son pays une autorité qui n’hésite pas à tuer. C’est la main qu’ont choisi de mettre sur Marseille et le Vélodrome la marque Puma et son partenaire l’OM de Mac Court et Jacques-Henri Eyraud. Elle fait juste écho à la main de fer de Maradona qui lance le signal de l’attaque. Ça vous fait quoi ? Personnellement, en tant que marseillais et supporter de l’OM, ça me met profondément en colère.
En conclusion, je voudrais dire à quel point je me suis réjoui d’apprendre l’arrivée de Puma dans un partenariat avec l’OM. Adidas n’offrait plus grand chose et ne s’impliquait plus guère pour proposer des maillots originaux. La somme apportée par Puma à l’OM chaque année sera bien plus importante. J’étais prêt à lui rendre cette confiance en tant que supporter, consommateur aussi d’articles de sport, et tout ce que j’ai dans mon dressing se rapportant à ce genre de vêtements porte la marque d’Adidas. Je pensais renouveler. Je ne suis plus très pressé. Je vais garder ce que j’ai et même mieux, je vais bazarder les vieilles sandales Puma qui me servent à aller dans mon jardin ou à la plage. J’en rachèterai d’une marque quelconque. Je vais racheter aussi des t-shirts blancs sans logo et je garderai mon écharpe de l’OM de marque Adidas pour la saison prochaine. On peut tout aussi bien acheter aussi pour faire plaisir à l’ami René Malleville, un grand influenceur (lol) des vêtements de la marque Trotti, en plus c’est marseillais, mais en ce qui me concerne, et tant que je n’enregistrerai pas un changement de discours et une réorientation de la stratégie, la marque Puma et la marque OM peuvent carrément aller se faire foutre, cela ne m’empêchera pas de rester supporter de l’OM, que Balotelli finisse par signer ou pas.
Vive le grand Roger Magnusson !
PUMA ET L’OM ATTAQUENT MARSEILLE ET LES MARSEILLAIS !!!
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thierry b audibert
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